Les 27 et 28 octobre à Paris, se tenait le Sustainable Retail Summit, célébration du retail responsable sur les plans économique et social.
Pas de chance : la BBC vient de diffuser le 25 octobre un reportage terrifiant sur l'exploitation d'enfants syriens en Turquie, dans des ateliers travaillant pour des sous-traitants d'Asos, Marks&Spencer ou Zara. La presse se délecte évidemment de ce panorama misérabiliste qui ne fait pas dans la dentelle : "un sous-sol presque entièrement occupé par des enfants, la plupart ne pouvaient pas avoir plus de 7 ou 8 ans" ; "il m'a dit qu'il voulait aller à l'école mais qu'il ne pouvait pas ne pas travailler" à propos d'un enfant qui repasse des vêtements 12 heures par jour. En Turquie, 500 000 enfants sur les 850 000 réfugiés que compte le pays seraient contraints de travailler pour nourrir leur famille, et n'ont de toutes façons pas de place dans des écoles turques saturées.
Il y a de nombreuses façons de réagir. On peut pointer un doigt impuissant vers les mouvements géopolitiques qui dépassent l'entreprise. On peut secouer rageusement la tête devant la difficulté à contrôler les sous-traitants irrespectueux de leurs engagements. Ou la hocher d'un air entendu en demandant de quoi vivraient ces réfugiés sans revenus d'appoint. On peut faire le consultant et en déduire l'urgence à doter les entreprises de stratégies RSE avec KPIs, instances de pilotage et dispositifs de contrôle. On peut aussi se demander si c'est le monde auquel on veut contribuer : moi dirigeant, suis-je confortable que mon entreprise tolère même tacitement ces situations ?
Les marques de mode sont coutumières de ce type de scandales, et force est de constater qu'elles n'en ont guère souffert. Plus largement, les "love brands" (d'Apple à Nespresso, d'Amazon à Nike) ont toutes survécu à nombre de polémiques.
Mais demain ? Dans un monde horizontal où la complicité et la transparence seront la règle ? Mais pour une marque comme Asos qui fonde son succès sur des dimensions relationnelles autant que sur ses collections ? Mais dans des pays occidentaux où la moitié des citoyens pensent qu'il suffirait d'un peu de malchance pour qu'ils se retrouvent du mauvais côté de l'exclusion ? Mais avec des collaborateurs milléniaux d'autant plus demandeurs de sens que leur croyance dans le progrès s'effiloche ?
La réponse n'est pas si évidente. Ce nouveau monde, c'est aussi celui où 40% des américains continuent de soutenir Trump envers et contre tout. Comparée à cette performance, la couche de RSE qui masque les lézardes de la maison peut bien espérer faire illusion… Alors : la dignité est-elle rentable ?
Le marketing de demain ne s'affranchira pas du story-telling, des artifices et des silences pudiques. Le consommateur ne sera pas un être éclairé, rationnel et humaniste – pas toujours en tous cas. Les salariés ne sacrifieront pas leur carrière à des considérations morales – pas tous du moins. Pour autant, le nouveau monde obligera l'entreprise à se remettre en question pour regagner la confiance perdue des clients.
Les dirigeants eux-mêmes sont les premiers concernés : comment être à la fois habile et éthique, transparent mais pas naïf, soucieux des autres mais business driven ? La transformation des entreprises n'adviendra pas sans transformation des dirigeants vers plus d'humilité, d'humanité et d'ouverture - sans rien lâcher sur la vision, le leadeship et l'exigence.
Rien à voir avec une vision rousseauïste du monde. Il s'agira simplement de répondre à la plus difficile des questions : qu'est-ce qui me rend digne d'être aimé ?
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vendredi 28 octobre 2016
Qu'est-ce qui me rend digne d'être aimé ?
mardi 11 octobre 2016
Qui sont les barbares ?
Mi-septembre, Dia-Mart animait une session de travail sur la transformation digitale des enseignes de mode (avec l'Alliance du commerce). Les dirigeants présents (Camaïeu, IDKids, Tati, etc.) nous ont dit que la transformation était en route, trop lente sans doute, mais en route… et que leur problème principal était le déclin constant du marché. Qui leur impose frugalité et résilience.
Fin septembre, nous animions la première réunion de notre Club Réinvention, qui réunit une dizaine d'enseignes engagées dans la réinvention de leur modèle. Les dirigeants présents (Galeries Lafayette, Système U, Orchestra…) nous ont dit que la première phase de transformation (devenir crosscanal) était en marche, laborieuse parfois, mais en marche… et que leur prochain défi était d'inventer les valeurs ajoutées de demain. D'être plus innovants, de refonder le retail marketing dans un monde horizontal.
On est loin de l'image recuite de vieux distributeurs engourdis. Et si les bourgeois devenaient des loups faméliques, la patte encore puissante et le croc acéré ? Et s'ils étaient plus méchants que ces pure players qui croient que les arbres montent jusqu'au ciel et que leur agilité leur vaudra l'indulgence éternelle des marchés financiers, finançant avec un coût du capital nul des croissances non rentables ? Et si la capacité à être radical, à cogner fort et à durer malgré les privations était en train de changer de camp ? Et si finalement, les Nouveaux barbares n'étaient pas ceux qu'on croit ?
On n'en est pas là. Il reste trop de doutes chez les dirigeants, de pesanteurs dans les organisations, de gras dans les modèles économiques, de frilosité chez les actionnaires. Les positionnements restent trop mous, les stratégies digitales trop imprécises, la vitesse d'exécution insuffisante…
Mais le mouvement est engagé, l'étape douloureuse du réveil digérée. Les dirigeants sont dans l'action. L'ancien monde est bien vivant, et il lui est repoussé des dents. Nous sommes à leurs côtés. Les années qui viennent s'annoncent joyeuses et massacrantes…
mercredi 21 septembre 2016
Bonne Année-clients !
Pour les clients, l'année commence en Septembre : des centaines de milliers de ménages ont déménagé durant l'été et redéfinissent leur parcours shopping ; pour les autres, c'est le moment de redistribuer les cartes après la pause estivale.
Cette rentrée 2016 se fait sous de douteux auspices : Daech, Brexit, Trump, canicule, Amazon Prime… drôle de casting. Et qui oserait prétendre que ça va s'arranger ?
Cette collision entre l'ancien et le nouveau monde, qui s'affrontent et s'entremêlent en un gigantesque chassé croisé, est un phénomène géologique sans précédent par son ampleur et sa rapidité.
Les acteurs de l'ancien monde ont regardé passer bien des trains depuis 15 ans. Pourquoi n'est-ce pas la Fnac qui a inventé Deezer ? pourquoi est-ce Zodio qui cartonne avec ses cours de cuisine, et pas Carrefour ? pourquoi E.Leclerc n'est-il pas leader du bio ? pourquoi Monoprix ne ressemble-t-il pas à Wholefoods ?
Le vieux monde tente de rattrapper son retard : cet été, Walmart a réalisé deux acquisitions majeures dans le e-commerce, en Chine et aux USA ; Danone a pris le contrôle de Michel&Augustin ; les Galeries Lafayette ont acquis Bazarchic ; etc.
Acheter du neuf est un pari intelligent : d'autres opérations similaires émailleront l'année qui commence. Réinventer de l'ancien est un exercice autrement plus douloureux, pourtant c'est là que tout se jouera : réussir la réinvention des business models en accélérant radicalement la transformation (digitale, mais pas seulement).
En d'autres termes : quelle quantité de nouveau monde avez-vous déjà réussi à inoculer dans votre entreprise ?
Pour vous stimuler, suggestions de bonnes résolutions :
Sans se priver d'une petite dernière pour la route : "Je vais appeler Dia-Mart pour qu'ils m'aident à faire tout ça…".
En attendant de contribuer à votre réinvention, les 60 collaborateurs du Groupe Dia-Mart vous souhaitent… une très bonne Année-Clients !
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jeudi 8 septembre 2016
Immunisez vos clients
Face aux aux mécontentements engendrés par des « pannes de services » (dysfonctionnements dans la qualité de service délivrée), les marques rivalisent de tactiques pour « consoler » leurs clients (excuses, remises, etc…) et éviter les effets de défidélisation. Des recherches récentes apportent un éclairage intéressant pour limiter les conséquences négatives d’une qualité de service détériorée.
En y regardant de plus près, le vrai problème en cas de manquement dans la qualité de service, n’est pas tant la faiblesse objective de la qualité délivrée (ce n’est pas choquant d’avoir des tables moyennement propres dans un fast food, ça l’est beaucoup plus dans un restaurant étoilé). Le vrai problème réside plutôt dans l’écart entre ce que les clients attendent du service et ce qu'ils vivent en réalité.
Les chercheurs l’ont montré depuis longtemps : les clients construisent leur satisfaction en faisant le rapport (souvent mécanique) entre la qualité de service perçue (expérience) et ce qu’ils en attendent
Plus on prépare nos clients à d’éventuels pannes de services potentielles, moins ils ont de chance d’être mécontents lorsqu’ils vont les vivre.
Ce simple ratio nous permet de comprendre que ce n’est pas la peine de promettre la lune à nos clients, ils seront forcément déçus. A l’inverse, il nous permet aussi de comprendre que plus on prépare nos clients à d’éventuelles pannes de services potentielles, moins ils ont de chance d’être mécontents lorsqu’ils vont les vivre.
Une publication récente de la Harvard Business Review* présente les résultats d’une recherche sur « l’immunisation » d’un échantillon de clients d’une compagnie aérienne. La veille du vol, une partie des clients de la compagnie ont reçu un mail annonçant d’éventuels retards possibles à la livraison des bagages. L’autre partie des clients ont reçu quant à eux un mail vantant les engagements en matière de qualité de service de la compagnie lui ayant valu plusieurs récompenses.
Conclusion : parmi les vols pour lesquels il y a eu effectivement retard à la livraison des bagages, les clients ayant reçu un mail d’immunisation sont significativement moins mécontents que ceux (sur le même vol) ayant reçu le second mail.
Vous avez le droit de ne pas être parfaits, vous n’avez plus le droit de faire croire l’inverse.
Si on portait un regard cynique sur ces enseignements on y verrait une technique à moindre coût pour limiter le mécontentement client (franchement ce n’est pas très coûteux de prévenir les clients). Les conséquences étant appréciables : moins de réclamations, moins de remises, cadeaux, gestion des réclamations, etc…
Je vous propose un autre regard : dans un monde horizontal les marques arrogantes n’ont plus leur place. Il n’est plus utile de faire son « marketing » en avançant toutes les bonnes raisons que les consommateurs ont d’aimer sa marque (Cf un papier précédent qui présentait un petit film hilarant sur cette question).
Aujourd’hui les clients attendent une véritable transparence. Vous avez le droit de ne pas être parfaits, vous n’avez plus le droit de faire croire l’inverse.
Pour l’anecdote, la semaine passée, j’ai reçu un mail de la SNCF m’avertissant de la possibilité de retard sur mon trajet du lendemain dû aux fortes chaleur. J’étais assez inquiet d’arriver en retard à mon RDV mais - coup de chance - le TGV était bien à l’heure. Ben vous savez quoi ? J’étais plus content que d’habitude :-)
*Août-septembre 2016. P. 16
lundi 25 juillet 2016
Le marketing stratégique ne se dilue pas dans la culture client
Au détour d’un échange avec le Directeur de communication et innovation de Décathlon, je fus surpris de l’entendre affirmer que l’enseigne n’est pas réellement orientée client.
Ai-je loupé un épisode de l’histoire récente de l’enseigne ? Moi qui étais convaincu qu’il s’agit de notre champion toutes catégories de la culture client.
"Par exemple -renchérit-il- au moment de la rentrée des classes, on sait que des milliers de parents viennent dans nos magasins faire leurs achats pour la rentrée (chaussures, textile…). Pourtant rien n’est fait pour leur facilité la vie car le magasin est organisé par univers sportifs. Les parents sont obligés de faire le tour de tous les rayons pour trouver leur bonheur alors qu’un rayon « multisport » (comme chez Go Sport, Sport 2000 ou Intersport) faciliterait grandement l’expérience client."
Quoi ?! Décathlon serait orienté utilisateur sportif et non pas client…
Réfléchissons un peu… les utilisateurs sportifs ne sont-ils pas les clients-cibles de Décathlon ? Bref, mettons un peu d’ordre…
Sans le savoir, ce dirigeant venait d’alimenter une doctrine que nous défendons chez Dia mart: le marketing stratégique ne se dilue pas dans l’orientation client.
Les enseignes et les marques, un peu perdues et anxieuses face à la montée des nouveaux rapports entre les consommateurs et les marques (qu’on appelle horizontalisation) développent une stratégie à la mode : l’expérience client… comme tout le monde.
Pourtant nous avons la conviction que la recherche d’une expérience client améliorée ne doit pas constituer un positionnement. C’est un basique de la promesse dans un monde horizontal. C’est pour cela que toutes les entreprises s’excitent avec cette nouvelle nécessité. Elles y vont par contrainte… et elles oublient leurs partis pris.
Revenons à Décathlon : cette enseigne est née avec l’ambition de permettre au plus grand nombre de s’épanouir par le sport. C’est la vocation de l’enseigne que rien ne viendra bouleverser. Les partis pris de l’enseigne répondent à cette vocation.
L’orientation client (indispensable à la survie des entreprises de demain) doit s’encapsuler dans la vocation de la marque. Comment pouvons nous mettre les clients au cœur de nos décisions dans le cadre stratégique que nous nous sommes fixé? En effet, si on écoutait les clients, Décathlon vendraient des jeans et des playmobils…
Au contraire, Décathlon a décidé d’ouvrir son processus d’innovation en invitant les consommateurs à proposer leurs idées innovantes de produits sportifs (Cf cette idée innovante proposée par un père de famille).
Etre orienté client ne signifie pas être customer driven. La culture client est fondamentale mais elle doit s’inscrire dans un cadre stratégique clair… sinon ce sont les consommateurs qui vont prendre le pouvoir. Ce serait la fin de l’horizontalisation ;-)
Un peu de courage (ayez des partis pris) et beaucoup de bienveillance(mettez les clients au cœur de vos décisions).
mardi 5 juillet 2016
Découvrez Veg and the city, la jardinerie hyper-urbaine
Lire la suite de l'article --> LSA.fr | Veg and the city
jeudi 30 juin 2016
D'un pépin la pépite
Quel que soit le jugement que l'on porte sur ces ruptures, elles
s'imposent aux retailers comme au reste du monde. Et elles offrent de
fantastiques opportunités marketing de renforcement de la "charge"
des marques et de leur relation aux clients. Ainsi, le versant positif du
communautarisme indigène ("tu viens d'ailleurs, tu ne fais pas partie de
ma communauté") est la possibilité de construire une relation plus
intense, plus proche, plus intime, avec les communautés de clients.
L'alimentaire est le premier bénéficiaire de ce repli
identitaire, en témoigne le foisonnement de concepts "hyper-locaux"
(Cru, O'tera, Partisans du goût, etc.). Le commerce non-alimentaire peut
difficilement exploiter cet axe dans ses politiques marchandises, mais la
recherche d'ancrage ne passe pas seulement par des produits locaux : tout ce
qui affirme la proximité, la connivence, la familiarité avec les clients y
concourt. Les programmes relationnels de nouvelle génération ou les magasins
ateliers en sont des traductions prometteuses. Et cette recherche d'ancrage est
aussi une part du succès d'un Gamm Vert qui "sent bon le terroir"…
Voire de celui des réseaux d'indépendants en général ?
Nombre de retailers "classiques" ont perçu ces
opportunités et entrepris de les saisir. Mais qui peut croire que ces
initiatives sont à la hauteur des enjeux ? Les modèles qui exploitent
pleinement cette nouvelle donne sont bien plus disruptifs : Booking, Airbnb,
Uber, Tripadvisor, et demain Frizbiz ou d'autres… Ils prennent acte de
l'absence de confiance dans les discours de marque, de l'exigence d'une relation
équilibrée et transparente, de la reconnaissance des pairs.
Jusqu'où est-il possible d'intégrer ces composantes dans
les "vieux modèles" de retail ? Sont-ils compatibles avec les ADN du
commerce "anciennement moderne" ? La Commission Européenne peut-elle
devenir agile, transparente et à l'écoute ?
Pas sûr que formuler les choses ainsi incite à l'optimisme…
Et pourtant, avons-nous le choix ?
Personne n'a dit que le nouveau monde sera meilleur que
l'ancien. Notre rôle est de profiter des opportunités qu'il offre pour lutter
contre la "commoditisation" du retail en oeuvrant à le rendre
plus humain, plus serein, plus joyeux. C'est ce que les clients attendent de
nous : la tentation du repli n'est jamais autre chose qu'un désir de lien
frustré…
En attendant de changer le monde, bon été à tous… et Go to
the beach !
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