Parmi les idées développées dans mon dernier livre ("Distribution : inventer le commerce de demain", Pearson, 2014), le "je t'aime moi non plus" entre la marque et l'enseigne suscite beaucoup de réactions parmi les lecteurs.
Le chassé-croisé entre des enseignes qui veulent "devenir des marques" (avec leur intensité marketing, leurs codes et leur contenu projectif) et des marques qui veulent devenir distributeurs (en créant magasins et sites marchands) : une vieille histoire qui est devenue d'une actualité brûlante ces dernières années.
Le "Go retail" des marques de fabricants, longtemps cantonné à quelques flagships et aux marques de mode, est devenu une tendance majeure. Inspirées par l'édifiant succès des Apple Store, nombreuses marques ont tenté ou s'apprêtent à tenter l'aventure. C'est une aubaine pour nous autres, consultants spécialistes du retail : ces fabricants ont peu de compétences retail, et certains ont la sagesse de venir les chercher chez nous ! De fait, les occasions d'échouer ne manquent pas : du gap culturel entre les métiers à la sous-estimation des besoins de compétences dédiées, en passant par la sur-estimation (quasi systématique !) du trafic que la marque suffira à générer… Mais si les échecs sont nombreux, certaines réussites donnent de l'espoir : de Lindt à La Belle-Iloise en passant par Monbana, de Samsung à Lafarge en passant par Lego. Même L'Oréal Paris s'y essaie prudemment : le leader mondial de la cosmétique vient d'ouvrir sa première boutique en propre en Italie, qui propose toute sa gamme et des services valorisants (agence : UX in situ).
À cette tendance répond la "montée en marque" de nombreuses enseignes mass market, conscientes de la nécessité d'émerger, en affirmant des partis pris marketing plus forts et mieux mis en scène. Là aussi, les occasions d'échouer sont multiples. La plus commune est la "technocratisation" du marketing. Un marketing de siège inspiré de celui des fabricants qui oublient que dans le retail, la préférence se construit en magasin par un marketing de preuves : le marketing de signes cher aux fabricants est un accélérateur utile, mais ne confondons pas la cerise et la gâteau !
La seconde erreur classique est de croire que "monter en marque" autorise à monter les prix. Les vieux modèles de Porter, qui opposent la "domination par les coûts" à la "différenciation" par la marque, ont installé cette idée que la marque sert à justifier les hausses de prix. C'est peut-être vrai dans l'industrie (et encore !)… Mais c'est totalement crétin dans le retail, surtout dans le mass market. Allez demander aux enseignes-marques les plus performantes (Ikea, Yves Rocher, Décathlon, E.Leclerc ou la Fnac) si la force de leur image leur permet de ne pas respecter leur engagement sur les prix ! La montée en marque des enseignes est ainsi pavée de désastres, le dernier en date étant La Halle, égarée dans une stratégie de glamourisation et de trading up qui a fait fuir ses clients historiques ("ces codes et ces prix ne sont pas pour moi") sans suffire à attirer de nouveaux clients (puisque les preuves étaient absentes : collections médiocres, magasins peu attractifs). Le nouveau management prépare des mesures radicales dont il n'est pas certain qu'elles suffiront à sauver l'enseigne. Pour autant, la montée en marque est bien une nécessité : les défaillances de Bata ou de Fly sont, en partie, le fruit d'une banalisation fatale (à quoi servaient Bata ou Fly ? Qu'apportaient-elles au marché d'unique et de différent ?).
La seconde erreur classique est de croire que "monter en marque" autorise à monter les prix. Les vieux modèles de Porter, qui opposent la "domination par les coûts" à la "différenciation" par la marque, ont installé cette idée que la marque sert à justifier les hausses de prix. C'est peut-être vrai dans l'industrie (et encore !)… Mais c'est totalement crétin dans le retail, surtout dans le mass market. Allez demander aux enseignes-marques les plus performantes (Ikea, Yves Rocher, Décathlon, E.Leclerc ou la Fnac) si la force de leur image leur permet de ne pas respecter leur engagement sur les prix ! La montée en marque des enseignes est ainsi pavée de désastres, le dernier en date étant La Halle, égarée dans une stratégie de glamourisation et de trading up qui a fait fuir ses clients historiques ("ces codes et ces prix ne sont pas pour moi") sans suffire à attirer de nouveaux clients (puisque les preuves étaient absentes : collections médiocres, magasins peu attractifs). Le nouveau management prépare des mesures radicales dont il n'est pas certain qu'elles suffiront à sauver l'enseigne. Pour autant, la montée en marque est bien une nécessité : les défaillances de Bata ou de Fly sont, en partie, le fruit d'une banalisation fatale (à quoi servaient Bata ou Fly ? Qu'apportaient-elles au marché d'unique et de différent ?).
Marque et enseigne ont des ADN profondément différents ; et pourtant, le retail de demain verra à l'évidence les frontières se brouiller. Autant dire que c'est bien un nouveau marketing qu'il faut inventer. D'ailleurs, en anglais, le même mot (brand) ne désigne-t-il pas "marques" et "enseignes" ?
"Jazz et java pour moi, c'est du pareil au même…"
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